Capitalisme d’intérêt général : des preuves, pas des promesses
On peut réussir… sans trahir.
Pendant trop longtemps, on nous a vendu ce dilemme :
Soit tu gagnes bien ta vie, soit tu restes fidèle à tes valeurs.
Soit tu deviens patron, soit tu restes militant.
Mais aujourd’hui, ce clivage est dépassé.
Une autre génération d’acteurs économiques est en train de montrer que l’on peut :
✅ Créer de la valeur sans détruire
✅ Gagner sa vie sans voler celle des autres
✅ Innover sans surexploiter
✅ Entreprendre sans dominer
Bienvenue dans le monde du capitalisme d’intérêt général.
1. C’est quoi exactement ?
Le concept est porté en France par Jean-Marc Borello, fondateur du Groupe SOS.
Il défend un modèle dans lequel l’économie devient un outil au service de l’intérêt général, et non un but en soi.
Ce modèle repose sur 4 piliers clés :
🔷 1.1 Un objectif clair : le bien commun
L’entreprise n’a pas pour but l’enrichissement personnel de ses actionnaires.
Elle vise à répondre à un besoin social, écologique ou humain, identifié et mesurable :
• accès à la santé,
• lutte contre l’exclusion,
• éducation,
• préservation du vivant…
🔷 1.2 Une exigence économique réelle
Ce ne sont pas des associations sous perfusion.
Les structures doivent :
• être économiquement viables,
• s’autofinancer,
• créer des emplois durables
• et fonctionner avec la rigueur du privé.
🔷 1.3 Une gouvernance responsable
Pas de logique actionnariale court-termiste.
Les décisions sont prises :
• dans une logique de transparence,
• avec des parties prenantes associées,
• parfois même avec des représentants des usagers ou des salariés.
🔷 1.4 Un impact mesuré
L’entreprise ne se contente pas d’afficher des valeurs.
Elle mesure son utilité réelle :
• réduction des émissions,
• nombre de personnes insérées,
• hectares régénérés,
• amélioration de la qualité de vie…
L’impact devient un indicateur central.
2. Le Groupe SOS : la preuve par les faits
Créé dans les années 1980, le Groupe SOS est devenu le plus grand acteur de l’économie sociale et solidaire en Europe.
Quelques chiffres clés :
• + 20 000 salariés
• + 600 établissements en France et à l’international
• Activités dans :
➤ la santé,
➤ l’hébergement d’urgence,
➤ l’éducation,
➤ la culture,
➤ l’environnement,
➤ l’emploi,
➤ le handicap…
Le tout avec zéro dividende distribué.
Chaque euro de bénéfice est réinvesti dans la mission sociale.
“Ce n’est pas une utopie. C’est de la gestion.” – Jean-Marc Borello
3. Et ailleurs dans le monde ?
Le capitalisme d’intérêt général prend des formes variées selon les pays, mais la logique est la même :
Repenser le but de l’économie.
🌍 Muhammad Yunus – Le business social pour sortir de la misère
Prix Nobel de la Paix, cet économiste bangladais a créé le business social :
des entreprises rentables, mais sans dividende personnel, 100 % dédiées à une mission sociale.
Sa Grameen Bank a permis à des millions de femmes pauvres d’accéder au microcrédit, sans garantie, sans pression.
Aujourd’hui, ses principes sont repris dans certains grands groupes (Danone, Renault…),mais toujours avec ce fil rouge : l’économie au service des plus fragiles.
Un pionnier engagé, même si son modèle reste parfois difficile à appliquer à grande échelle sans dilution.
🌍 Jeremy Rifkin : une influence structurante… mais à questionner
Auteur de plusieurs ouvrages visionnaires (La Troisième Révolution Industrielle, Le Green New Deal Mondial…), Jeremy Rifkin a inspiré de nombreux plans de transition énergétique à l’échelle européenne et internationale.
Il défend une économie post-fossile, décentralisée, interconnectée, et milite pour la fin du capitalisme carboné.
Mais sa vision reste très techno-centrée, parfois déconnectée des réalités sociales ou démocratiques.
Son influence sur certaines politiques européennes a pu servir des intérêts industriels autant que le bien commun.
Il reste une figure clé de l’écosystème des idées, mais sa posture invite à la vigilance autant qu’à l’inspiration.
🌍 Kate Raworth – L’économie avec des limites (et du sens)
Autrice de la théorie du Donut, l’économiste britannique propose une boussole claire et visuelle pour repenser l’économie : entre plancher social (droits humains) et plafond écologique (limites planétaires).
Son approche a inspiré des villes comme Amsterdam, Bruxelles ou Copenhague, qui tentent d’en faire un cadre pour leurs politiques publiques.
Ce n’est pas une recette miracle, mais un changement de cap profond, qui reconnecte l’économie avec l’éthique et le vivant.
🌍 Le label B Corp – Une avancée, à surveiller
Créé par Jay Coen Gilbert, le label B Corp certifie les entreprises qui intègrent l’intérêt général dans leur modèle (gouvernance, environnement, inclusion…).
+7000 entreprises sont certifiées dans 90 pays :
Patagonia, Ben & Jerry’s, The Body Shop, Natura & Co, Allbirds…
C’est une démarche exigeante qui pousse à l’amélioration continue.
Mais attention :
ce n’est pas une garantie absolue, et certaines entreprises s’en servent parfois comme simple vitrine “éthique”.
Utile, oui… mais à regarder de près.
4. Marques et modèles déjà en action
Voici des entreprises qui changent leurs pratiques et leur finalité :
✨ Patagonia
→ A donné 100 % de son capital à une fondation pour la planète
→ Tous les profits financent des actions environnementales
✨ Ecosia
→ Moteur de recherche qui plante des arbres
→ +190 millions d’arbres déjà financés
→ Transparence radicale sur ses revenus et dépenses
✨ Fairphone
→ Téléphone modulaire, réparable, équitable
→ Zéro obsolescence programmée, conditions de travail décentes
✨ Time for the Planet
→ Société à but non lucratif qui crée des entreprises pour lutter contre les GES
→ +100 000 associés citoyens, transparence totale
5. Et ceux qui ont basculé ? Des entrepreneurs reconvertis
Ces profils ont quitté le capitalisme classique pour rejoindre le sens.
💼 Emmanuel Faber – De PDG engagé à régulateur mondial
Ancien patron de Danone, il tente d’en faire la première entreprise à mission du CAC 40 : plus de justice sociale, plus d’écologie, plus de transparence.
Résultat ? Il est évincé par les actionnaires, jugé trop “militant”.
Mais il rebondit fort : il devient président de l’ISSB, l’organisme qui crée aujourd’hui les normes mondiales sur l’impact extra-financier.
Un acteur clé du changement… depuis l’intérieur du système.
💸 Eva Sadoun – De la finance classique à l’investissement engagé
Après un passage dans la finance traditionnelle, Eva Sadoun cofonde LITA.co, une plateforme qui permet aux citoyens d’investir dans des entreprises à impact.
Elle co-crée ensuite le Mouvement Impact France, pour défendre une économie solidaire, écologique et responsable.
Une figure montante d’une finance réinventée, accessible, éthique et tournée vers le bien commun.
🌱 Tristan Lecomte – Du commerce équitable à la régénération des écosystèmes
Fondateur d’Alter Eco, il a été un pionnier du commerce équitable en France.
Mais très vite, il comprend que cela ne suffit pas : il faut réparer les écosystèmes, pas seulement mieux commercer.
Il crée alors PUR Projet, qui accompagne des multinationales dans des actions de reforestation, d’agroforesterie et de compensation carbone…
Tout en gardant un cap : régénérer les territoires, pas verdir les bilans.
Une voie exigeante, à l’interface entre économie, climat… et lucidité.
🌍 Gunter Pauli – L’industriel qui pense comme la nature
Ancien entrepreneur dans la chimie, Gunter Pauli change radicalement de cap pour créer le concept d’économie bleue :
une économie inspirée des écosystèmes naturels, locale, circulaire, zéro déchet.
Il développe des solutions concrètes et ingénieuses :
• toilettes sans eau,
• savons faits avec des résidus de café,
• filtration d’eau par champignons…
Une vision ambitieuse : faire mieux avec ce qu’on a déjà, en copiant le vivant.
Un innovateur prolifique, parfois critiqué pour son enthousiasme débordant, mais toujours en quête de cohérence écologique.
🤝 Christian Vanizette – Le citoyen hacker de l’impact social
Co-fondateur de MakeSense, il quitte la finance pour créer un mouvement mondial de mobilisation citoyenne autour de projets sociaux et écologiques.
Résultat ?
➤ +100 000 bénévoles,
➤ dans +40 pays,
➤ qui accompagnent des milliers d’initiatives à impact, grâce à des ateliers, des hackathons, des communautés locales.
Une preuve que l’innovation sociale peut aussi être horizontale, joyeuse et contagieuse.
MakeSense, c’est l’activisme version collaborative, locale… et efficace.
⛵ Masvigner & Collos – Naviguer vers un autre futur
Anciens cadres bien installés, Raphaël Masvigner et Mathieu Collos ont tout quitté pour créer des alternatives concrètes à un système qu’ils jugeaient à bout de souffle.
Ils lancent :
• Sailcoop : une coopérative de voyage en voilier bas carbone,
• puis l’Archipel du Vivant : un réseau de lieux autonomes, sobres, résilients.
Leur moteur : la sobriété choisie, l’autonomie collective, l’entraide concrète.
Deux exemples inspirants d’écologie appliquée, sans costume ni conférence… mais avec beaucoup de courage.
6. Pourquoi ce modèle est vital aujourd’hui ?
Parce que le capitalisme actuel :
❌ Crée plus de déséquilibres qu’il n’en résout
❌ Épuise les humains, les ressources, les imaginaires
❌ Ignore les externalités (pollution, exclusion, épuisement mental…)
Le capitalisme d’intérêt général :
✅ Répare au lieu de briser
✅ Redistribue au lieu de concentrer
✅ Relie au lieu d’opposer
7. Ce n’est pas une mode. C’est une mutation.
Le changement ne viendra pas d’un coup de baguette magique.
Mais il est déjà en cours :
• Dans les entreprises
• Dans les collectivités
• Dans les écoles de commerce
• Dans les nouveaux récits
• Dans les trajectoires individuelles
C’est un mouvement qui réunit les innovateurs, les repensants, les refaiseurs.
8. Conclusion : Et si la réussite, c’était de servir ?
Réussir, ce n’est plus accumuler.
C’est :
✨ Réparer
✨ Soigner
✨ Innover pour tous
✨ Faire du bien en faisant du chiffre
Le capitalisme d’intérêt général, ce n’est pas une utopie.
C’est peut-être notre seule vraie chance de rester humains dans un monde viable.
9. Des livres et films pour aller plus loin
Pour s’inspirer, comprendre, rêver… et agir
Si cet article t’a ouvert des perspectives, voici de quoi prolonger la réflexion.
Parce qu’un changement de modèle, ça commence aussi par un changement de récit.
📚 LIVRES INCONTOURNABLES
Capitalisme à impact, économie régénérative
• Manifeste pour un capitalisme d’intérêt général – Jean-Marc Borello
Le texte fondateur du Groupe SOS. Clair, accessible, concret. Une économie au service de la société, pas l’inverse.
• L’économie symbiotique – Isabelle Delannoy
Et si on s’inspirait de la nature pour régénérer l’économie ? Un livre brillant pour penser en écosystèmes.
• L’économie à impact – Frédéric Bardeau & Jean Moreau (Phenix)
Des cas concrets, des outils, des chiffres. Le capitalisme réinventé par ceux qui le pratiquent autrement.
• La théorie du Donut – Kate Raworth
Une nouvelle boussole pour sortir des excès du PIB. Entre justice sociale et respect des limites planétaires.
• L’entreprise du XXIe siècle sera politique ou ne sera plus – Eva Sadoun & Julia Faure
Un plaidoyer fort pour redonner du pouvoir à l’entreprise… mais autrement.
Futurs souhaitables et récits alternatifs
• Le capital au XXIe siècle – Thomas Piketty
Une référence sur l’histoire des inégalités et les dérives du capitalisme patrimonial.
Également adapté en documentaire (Netflix, Arte).
• The Green New Deal mondial – Jeremy Rifkin
Une vision ambitieuse d’un futur post-carbone, interconnecté. À lire avec recul, mais sans cynisme.
• Et si… on libérait notre imagination politique ? – Rob Hopkins
Un bijou d’enthousiasme concret. Pour celles et ceux qui veulent rêver… et bâtir.
• Utopies réalistes – Rutger Bregman
Revenu universel, semaine de 15h, ouverture des frontières : des idées audacieuses… sérieusement documentées.
• Vers des mondes alternatifs – Servigne, Stevens, Chapelle
Une lecture pour comprendre les bascules en cours et explorer les pistes de transition profondes.
🎬 DOCUMENTAIRES INSPIRANTS
• Demain – Cyril Dion & Mélanie Laurent
Le film qui a réveillé des milliers d’initiatives. Agriculture, énergie, démocratie, économie… tout est lié.
• Bigger Than Us – Flore Vasseur
Des jeunes qui changent le monde, avec lucidité et force. Une claque de courage et d’espoir.
• The True Cost – Andrew Morgan
La face cachée de la fast fashion. Un indispensable pour comprendre l’impact social et écologique de nos achats.
• Le capital au XXIe siècle – Thomas Piketty (film)
La version accessible de son livre majeur, pour saisir l’origine des inégalités structurelles.
• Break Free – sur Time for the Planet (YouTube)
Une autre façon de lever un milliard pour sauver le climat. Radical, ouvert, inspirant.
Tu as maintenant de quoi penser, ressentir, partager… et surtout : passer à l’action.
Parce que la révolution économique ne viendra pas d’un coup.
Elle viendra de milliers de décisions conscientes, collectives et cohérentes.